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1612. novembre.

et de mes amis, tant qu’il fut a Paris, ce quy rengregea la haine que le dit comte avoit desja contre moy.

Peu de jours apres, je pris congé de la court pour m’en aller en Lorraine ; mais en effet je demeuray caché a Paris, ou je demeuray, ou a la campagne, pres d’un mois, a y passer divinement bien mon temps, et mieux que je n’ay fait de ma vie depuis. En fin je m’en allay en Lorraine, ou le lendemain (novembre) je receus une lettre que la reine me fit l’honneur de m’escrire, par laquelle elle me mandoit la mort de feu Mr le Comte[1], et me commandoit de la venir trouver aussy tost, ce que je fis, et arrivay le jour du baptesme de Mr le Comte, fils du dernier mort[2]. Je saluay la reine a l’hostel de Soissons, ou elle estoit lors avesques une tres grande et belle compagnie, de quy je fus bien veu et receu.

En ce temps là la face de la court changea entierement ; car il se fit une estroitte union de Mr le Prince, Mrs de Nevers, du Maine, de Boullon, et du marquis d’Ancre, et la reine se jetta entierement de ce costé là. Les ministres furent descredités[3], et n’avoint plus de pouvoir, et tout se faisoit selon le desir de ces cinq personnages, lesquels, par le moyen du marquis

  1. Le comte de Soissons mourut d’une fièvre pourprée, le 1er novembre 1612.
  2. Louis de Bourbon, comte de Soissons, fils de Charles de Bourbon, comte de Soissons, et d’Anne, comtesse de Montafié, né le 11 mai 1604, tué au combat de la Marfée, le 6 juillet 1641, sans avoir été marié.
    On l’appelait M. le Comte, comme son père.
  3. Les ministres étaient : le chancelier Brulart de Sillery, le président Jeannin, et Villeroy.