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journal de ma vie

Mr de Guyse m’avoit fait prier de sçavoir d’elle quand et en quelle façon il pourroit venir trouver Sa Majesté, laquelle me dit : « Qu’il y vienne a l’entrée de la nuit, et sans se faire accompagner. » Je pris de là occasion de l’aller trouver, tant pour luy dire que pour l’ammener ; et il parla a la reine avec tant de summissions et de respects qu’il la remit un peu : mais madame de Guyse sa mere, venant voir la reine apres qu’elle fut retirée, luy parla sy haut qu’elle la fascha de nouveau.

Nous allames faire nos Rois cheux Mr de Betune[1], et il n’y eut, a cause de cet accident, aucune resjouissance au Louvre, bien que la reine s’y fut preparée.

Le lendemain, Mr de la Rochefoucaut eut commandement de s’en aller, ce quy affligea fort Mr de Guyse, et en parla a la reine, quy luy refusa. Il en parla en suitte au marquis d’Ancre, quy luy dit qu’il n’oseroit en ouvrir la bouche, et que Mr le Prince seroit plus propre de faire cette affaire qu’aucun autre. Cela mit en l’esprit de Mr de Guyse de se mettre bien avec Mr le Prince et ces autres messieurs quy estoint en credit : a quoy il n’eut gueres de peine de parvenir ; car des que l’on pressentit qu’il estoit animé contre la reine, ces messieurs le firent rechercher. Pendant cette pratique, Mr le marquis d’Ancre, quy la fomentoit, fut encores prié par luy d’interceder pour le rappel du comte de la Rochefoucaut ; mais il luy dit

  1. Philippe de Béthune, baron, puis comte de Selles, fils puîné de François de Béthune, baron de Rosny, et de Charlotte Dauvet, et frère du duc de Sully. Il fut plusieurs fois ambassadeur, et mourut en 1649, à l’âge de 84 ans.