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journal de ma vie

estre ingrat et indigne du nom qu’il portoit et des charges et honneurs qu’il possedoit, s’il demandoit quelque chose, ou capituloit avec son maitre, auquel pour le servir il estoit desja payé et recompensé ; supplioit seulement la reine qu’a l’avenir elle tesmoygnat plus de fermeté en sa conduitte, et qu’elle considerat davantage ceux quy luy estoint fidelles serviteurs, et les conservat mieux que par le passé ; qu’il la viendroit trouver lors qu’elle luy commanderoit.

Je m’en vins donc au Louvre, ou la reine estoit entourée de tous ces princes. Elle s’en vint apres le conseil en son cabinet, et prit pretexte de me demander sy je luy voulois vendre un grand diamant que j’avois au doigt, que l’empereur Charles-Quint avoit autrefois donné a mon grand-pere, et je me le tiray du doigt, et luy presentay : elle s’approcha de la fenestre pour le regarder ; je luy dis lors : « L’affaire est faite avesques Mr  d’Espernon, mieux et plus noblement que Vostre Majesté ne se fut peu imaginer : il vous demande a quelle heure il vous plait qu’il vous vienne trouver a cet effet. » Elle, regardant toujours le diamant, me dit : « Je m’en vas aussy tost apres disner a Luxembourg, parler au president Jannin ; et au retour je l’attendray. » J’eus loysir de luy dire : « Sy, au retour de Luxembourg, Vostre Majesté vouloit aller passer cheux la reine Marguerite, quy a une ardente passion pour Vostre Majesté, et se tue de bien faire ? » Elle me respondit : « Ouy, j’iray ; et sur le soir, que Mr  d’Espernon vienne. » Je le dis a Zammet quy estoit la, et que sy Mr  d’Espernon arrivoit premier que la reine, qu’ils se missent tous deux dans le petit cabinet, ou il n’entreroit qu’eux d’eux : ce que je dis aussy a Selvage de