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journal de ma vie

ce ? Est-il chair ou poisson ? » Je luy respondis que je ne l’avois point veu depuis avant hier matin, et qu’il m’avoit prié de ne plus parler a la reine du retour de la Rochefoucaut, lequel il ne vouloit tenir que de luy, a quy il en auroit l’entiere obligation. Il me dit : « Voyla quy va bien. » Et puis, apres plusieurs autres discours, le marquis d’Ancres arriva, a quy il dit la conference de la reine et des ministres. Le marquis le supplia de remonter en haut pour voir la reine ; mais il ne luy sceut jammais persuader, et luy[1] pria seulement de luy mander des nouvelles. Nous montasmes, le dit marquis et moy, cheux la reine, ou il ne sceut entrer que lors que les ministres en sortirent, qu’il estoit pres de midy.

Je m’en revins disner cheux moy ou je trouvay Mr de Guyse, a quy je dis le don que la reine luy faisoit de la lieutenance generale de Provence pour monsieur son frere, dont il eut une excessive joye, et me promit de n’en point parler qu’il ne fut temps : il en remercia le soir la reine, lors qu’il aperceut qu’il n’y avoit personne quy le peut voir faire ce compliment.

Des lors la mauvaise intelligence de la reine avec ces messieurs parut evidemment : tout se fit par les ministres ; Mrs de Guyse et d’Espernon furent en faveur, bien que ce premier se tint toujours en quelque façon accroché avesques Mr le Prince ; Mr de Vendosme fit donner des asseurances de son service a la reine par sa belle mere, et le marquis d’Ancres montra ouver-

  1. C’est-à-dire : le prince de Condé le pria.