Page:Bassompierre - Journal de ma vie, 1.djvu/388

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
352
journal de ma vie

tems de jurer et de pleurer quand les affaires pressent : il faut ouvrir son cœur, montrer sa blesseure a l’amy a quy on en veut confier la guerison. Je pense que vous m’avés envoyé querir pour me dire vostre mal et non pour me le pleurer : c’est pourquoy, Monsieur, il vous faut prendre une bonne et ferme resolution sur les divers conseils que vous donneront vos amis, choysissant celuy que vous jugerés le plus convenable en l’affaire presente. » Il me dit lors : « Ly ministri m’ont donné cette estrette[1] et me veulent perdre, et Mr Dolet aussy. » « Monsieur, vous avés, luy dis je, beaucoup de remedes contre leur poyson, dont le plus excellent est les bonnes graces de la reine, que vous possederés infailliblement quand vous voudrés rentrer en vostre devoir et quitter toutes autres pratiques[2] quy ne luy sont pas aggreables : par ainsy vous enerverés[3] les forces de vos ennemis, et redoublerés les vostres pour les destruire et opprimer. Vous avés aussy vostre innocence quy parle pour vous, et en cas qu’elle ne soit entiere, il faut voir et pratiquer les commissaires de Maignat, (car je ne doutte point que vostre peine presente ne soit celle la), avoir recours a la bonté et misericorde de la reine quy vous recevra a bras ouverts, j’en suis fort asseuré, pourveu que vous luy parliés avec sincerité de cœur et une entiere resignation entre ses mains de toutes vos volontés. » « Ha, Monsieur, ce me dit il allors, je crains que la

  1. Dare la stretta veut dire, en italien, mettre dans la détresse, réduire aux extrémités.
  2. Il y avait dans les précédentes éditions : tous autres partages.
  3. Il y avait : vous mesurerez.