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préliminaire.

au seigneur d’Ogervillier, pere de ces filles, par une fée[1] quy estoit amoureuse de luy, et quy le venoit trouver tous les lundis en une salle d’esté, nommée en allemand sommerhause[2], ou il venoit coucher tous les lundis, sans y manquer, faisant croyre à sa femme qu’il alloit tirer a l’affut au bois, et de la se retirer la : ce quy ayant donné, au bout de deux ans, ombrage a sa femme, elle tascha de descouvrir ce que c’estoit, et entra un matin en esté dans cette sommerhause, ou elle vit son mary couché avec une femme de parfaite beauté, et tous deux endormis, lesquels elle ne voulut resveiller, seulement estendit sur leurs piés un couvre-chef qu’elle avoit sur sa teste, lequel estant apperceu de la fée a son reveil, elle fit un grand cry, et plusieurs lamentations, disant qu’elle ne pouvoit jammais plus voir le comte son amant, ny estre a cent lieues proche de luy, et le quitta, luy faisant ces trois dons pour ses trois filles, qu’elles et leurs descendans devoint soigneusement garder, et ce faisant, qu’ils porteroint bonheur en leurs maisons et descendans.

Le mesme Simon, apres la mort du duc Charles le Terrible, se remit au service de la maison de Bourgongne et d’Austriche, qui furent incorporées par le

  1. Toutes les éditions précédentes et les copies portent ici : une femme, au lieu de : une fée ; ce qui enlevait tout son charme à cette légende. Il faut convenir du reste que cette fée, la dernière des fées selon toute apparence, s’était un peu attardée dans le siècle où se place son histoire. Grimm, dans sa correspondance, raconte ce trait, mais il l’attribue aussi à une simple femme. Dans l’Historiette de Bassompierre, Tallemant des Réaux rapporte l’anecdote avec beaucoup de détails et avec sa couleur véritable.
  2. Sommerhaus, en allemand, maison d’été, ou pavillon.