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journal de ma vie.

n’avoít pas voulu superseder deux heures seulement, Mr le Prince quy estoit là, luy dit[1] : « Monsieur, c’estoit a vous a vous haster ; ce n’estoit pas au roy a attendre, veu mesmement qu’il vous l’avoit bien dit a la Fleche. »

Sur cela on mit en deliberation de faire trancher la teste au comte de Saint Aignan, attendu qu’estant officier de guerre et mestre de camp de la cavalerie, il avoit quitté le roy. On le voulut mettre entre les mains de monsieur le garde des sceaux : mais je m’y opposay fermement, disant au roy et a Mr le Prince que sy on le traittoit de la sorte, aucun homme de bien ne voudroit se hasarder d’estre pris de ceux des ennemis, pour crainte de mourir par main du bourreau ; que nous avions receu sa foy, Mr de Crequy et moy, et qu’il estoit prisonnier de guerre ; que nous luy avions peu donner cette parole en la qualité que nous avions, et que nous n’estions point des provosts pour faire capture des pendus. J’envoyay en mesme temps en donner avis a Mr de Crequy, lequel manda qu’il s’en reviendroit [des Ponts de Sey][2] et qu’il quitteroit tout si l’on ne luy mandoit et asseuroit de superseder cette execution : ce qu’en fin nous obtinmes jusques au lendemain, et cette premiere furie estant passée, il nous fut facile en suitte de rompre ce coup, et la paix quy succeda accommoda son affaire a sa charge[3] pres, quy fut perdue pour luy et donnée a Mr de la Curée.

  1. Dit à M. le Grand.
  2. Inédit.
  3. La charge de mestre de camp général de la cavalerie légère.