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1622. janvier.

se mettre au jeu, attendant l’heure du souper avesques quelques-uns de nous. Il parloit de fortune a Mr  le mareschal de Praslain et a moy un peu auparavant qu’il se voulut asseoir, quand Mr  le cardinal de Rets et monsieur le garde des sceaux arriverent avec Mr  de Chomberg. Le roy nous dit en les voyant entrer : « Mon Dieu, que ces gens sont fascheux ! Quand on pense passer son temps, ils me viennent tourmenter, et le plus souvent n’ont rien a me dire. » Moy, quy estois bien ayse de leur donner une estrette en revanche de ce qu’ils faisoint tous les jours contre moy, dis au roy : « Comment, Sire, ces messieurs viennent-ils sans estre mandés de vous, ou sans avoir precedemment fait sçavoir a Vostre Majesté qu’il y avoit quelque chose d’importance a deliberer, et sur ce, demandé vostre heure ? » « Non, ce me dit-il, ils ne me le font jamais sçavoir, et viennent quand il leur plait, et la plus part du temps quand il ne me plait pas, comme a cette heure. » « Jesus, Sire, est-il possible ? luy respondis je ; c’est vous traitter en escolier, et eux se font vos pedagogues quy vous font venir a la leçon quand il leur[1] plait. Il faut, Sire, que vous negotiiés en roy, et que tous les jours, a vostre arrivée en quelque lieu, un de vos secretaires d’Estat vous vienne dire s’il est arrivé quelque nouvelle importante quy merite d’assembler vostre conseil, et que sur cela vous leur mandiés qu’ils vous viennent trouver, ou a l’heure mesme, ou a celle quy vous sera le plus com-

    vint coucher le 10 à Sauzé, aujourd’hui chef-lieu de canton de l’arrondissement de Melle. Ce fut sans doute à Sauzé que se passa cette petite scène de cour.

  1. Il y avait aux précédentes éditions : vous.