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1622. janvier.

l’autre garde, ne nous en plaignions point, et qu’elles marcheroint aussy fort qu’il plairoit au roy, et que nous leur ferions faire ce que nous voudrions. Sur cette derniere parole quy fut rapportée aux ministres, ils en vindrent faire trois plats au roy, disans que nous nous vantions de faire faire aux deux regimens des gardes ce que nous voudrions, et que nous les tournerions de quel costé il nous plairoit : ils prindrent le roy dans son foible, quy se fascha de voir que nous mettions son autorité en compromis. C’estoit la veille devant son arrivée a Poitiers : il me dit que je luy vinsse parler le lendemain matin, et me dit : « Je vous ay promis de vous dire tout ce que l’on me diroit de vous : c’est pourquoy m’ayant esté rapporté que vous vous vantiés de porter les Suisses a faire tout ce que vous voudriés, et mesmes contre mon service, je vous ay bien voulu faire sçavoir que je ne trouve pas bon que l’on tienne ces discours, et moins vous qu’un autre, auquel j’ay toujours eu une entiere confiance. » Je luy dis : « Dieu soit loué, Sire, de ce que mes ennemis cherchans tous les moyens de me nuire, n’en peuvent trouver qu’il ne me soit aysé de les destourner et rendre vains. Celuy cy est de cette qualité, et vous en pouvés sçavoir la verité par leur bouche mesme, bien qu’elle n’ait pas gueres accoustumé d’en sortir : demandés leur sur quel sujet j’ay dit que je ferois faire aux Suisses ce que je voudrois, et s’ils ne vous disent que ç’a esté sur celuy de leur faire faire de grandes ou petites traittes, sur ce que nous nous plaignions, Mr de Crequy et moy, que l’on fait faire par jour moins de chemin a Vostre Majesté pour retourner a Paris, que n’en feroit une pourcession de paroisse,