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journal de ma vie.

baissa la teste comme assés d’autres eussent fait : puis en suitte comme quelques uns quy l’accompagnoint se fussent escartés, il leur dit : « Comment avés vous peur qu’elle tire encores ? Il faut que l’on la recharge de nouveau. » J’ay veu plusieurs et diverses autres actions du roy en plusieurs lieux perilleux, et diray sans flatterie ny adulation que je n’ay jamais veu un homme, non un roy, quy y fut plus asseuré que luy : le feu roy son pere, quy estoit en l’estime que chascun sçait, ne tesmoygnoit pas une pareille asseurance.

L’apres disner Mr d’Espernon et Mr le Comte (que je devois nommer premier) vindrent a nostre tranchée, et comme en retournant nous fussions allés sur le bord de la mer en une prairie pour considerer seise vaisseaux que les Rochelois avoint a l’ancre là pres, ils leverent les ancres, nous voyans grande trouppe, et s’approcherent a cinquante pas pour nous tirer ; et comme Mr le mareschal de Pralain et moy estions pratiques de cela, quelques uns de la trouppe estans d’avis de faire retirer Mr le Comte, Mr d’Espernon, et nous mesmes, nous leur dismes : « Messieurs, vous aurés maintenant le plaisir d’avoir des berceaux de balles de canon quy passeront par dessus vous, sans vous pouvoir offenser : quand vous verrés qu’un vaisseau tournera le flanc pour faire sa descharge, retirés vous dix pas de la rive, en telle sorte que vous ne puissiés voir le bas du vaisseau ou sont les embrasures du canon, et aucun coup ne vous pourra toucher, sy bien passer par dessus vostre teste » ; ce que chascun fit, et eurent le plaisir d’y voir tirer deux cens volées de canon sans aucun effet.

Le soir nous fismes en nostre attaque un grand tra-