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1622. juin.

favorit, mais que luy n’estoit pas de profession pour l’estre, sy seroit bien moy quy estois de qualité, de merite, et de façon pour posseder la faveur d’un grand roy ; qu’ils avoint toujours empesché que le roy apres la mort de Mr  de Luines ne s’embarquat a une nouvelle affection, et qu’il eut esté plus a propos que le roy n’eut point eu de favorit ; neammoins puis qu’ils voyoint que son inclination estoit portée a estre possedé par quelqu’un, ils aymoint bien mieux que ce fut un brave homme, de condition relevée, et en estime tant pour les arts de la paix que pour ceux de la guerre, qu’un homme de plume comme Mr  de Puisieux, quy mettroit tout sens dessus dessous, et qu’ils estoint tous resolus de conspirer a sa ruine, comme ils l’estoint de se porter a l’agrandissement de ma fortune et de porter le roy, avec la bonne inclination qu’il avoit desja pour moy, de me favoriser entierement de l’honneur de ses bonnes graces, pourveu que je leur voulusse promettre deux choses : l’une, de cooperer avec eux a la ruine de Mr  de Puisieux et me destacher entierement de son amitié ; l’autre, de me joindre entierement avec eux et unir nos desseins et conseils, premierement pour le bien de son service[1], secondement pour nostre commun interest et conservation ; et qu’ils me prioint de me resoudre promptement a ce que j’avois a faire la dessus, et de le leur desclarer.

En ce peu de tems qu’ils me parlerent, tantost l’un, tantost l’autre, quasy en mesmes termes sur ce mesme sujet, j’eus assés de loysir pour penser ou alloit

  1. Pour le bien du service du roi.