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1622. juin.

qu’ils n’eussent rompu[1] ces trois canonnieres : allors nostre batterie recommença, et en peu de temps nous eumes fait bresche, laquelle, a nostre veue, les ennemis reparoint de forces charrettes qu’ils mirent derriere. Cependant Mr  le Prince arriva, et toutes choses estant prestes, nous fismes reconnestre la bresche par un sergent du Bourdet[2], nommé Bouttillon, lequel y eut un bras cassé d’une mousquetade : il fit neammoins son rapport, et nous asseura que la bresche estoit raysonnable, ce que nous trouvasmes en effet incontinent apres ; car nous allames a l’assaut, et emportames la place sans aucune resistance. Tout y fut tué, hormis ceux quy se peurent retirer au chasteau, et les femmes, dont quelques unes furent forcées, et les autres se laisserent faire de leur bon gré. On en sauva neammoins ce que l’on peut[3], mais non pas la ville d’estre entierement bruslée. Le chasteau tint encores jusques au lendemain 11me juin, qu’il se rendit a discretion. L’on fit pendre douse ou quinse des plus mutins, et le 12me, dimanche, le roy vint disner a Mauricous[4], et y coucha aussy.

Mr  le Prince se mit en colere contre moy dans le conseil, et me dit que c’estoit a moy a faire ce que Mr  le mareschal de Pralain me commanderoit de sa part, sans repliquer ny contester sur l’ordre donné.

  1. Il y avait aux précédentes éditions : fermé.
  2. René Acarie, seigneur du Bourdet et de Crasanne, fils de Jean Acarie, seigneur du Bourdet, et de Catherine Belcier, avait épousé en 1611 Angélique de la Rochefoucauld.
  3. Voir à l’Appendice. II.
  4. Montricoux, petite ville du canton de Négrepelisse, arrondissement de Montauban, sur la rive droite de l’Aveyron.