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haeren, le père d’Émile, qui était de Bruxelles où son père avait conquis une honnête aisance en vendant du drap dans une boutique de la rue de l’Écuyer. Il vivait à Saint-Amand en rentier de village. Les Verhaeren néanmoins venaient probablement de Hollande. Dans la famille, — exception curieuse — on ne parlait que le français et les bonnes étaient liégeoises : le flamand qu’il ne sut jamais, le poète ne s’y essaya qu’à sept ans, avec le maître d’école du village, M. Ch. Mertens.

Grâce au livre délicieux que Verhaeren a consacré à ses souvenirs d’enfance, nous savons quelle existence de liberté et de nature fut la sienne jusqu’aux heures noires et inévitables de l’internat. Derrière la maison s’enfonçait un grand jardin où le bambin passait le meilleur de son temps. Chacun des jardins de notre enfance est un univers. Il y avait dans celui-ci les massifs récéleurs d’ombre mystérieuse, les grands arbres au sommet balancé dans le vent, l’étang avec ses poissons : mais on y voyait surtout, se promenant sur les pelouses ou dans les allées, deux couples d’étranges volatiles, des paons et des demoiselles de Numidie, dont les lents mouvements et l’exotique plumage exerçaient une puissante fascination sur l’enfant. Ces oiseaux résumaient pour lui et le Paradis terrestre et les bêtes fantastiques qu’énumérait l’histoire sainte. Et le jardin, au reflet de leurs ailes, s’emplissait de féerie. Premières nostalgies, premiers rêves dardés ! Quand l’oncle Debock recevait ses amis d’Anvers, des armateurs, qui par-