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les exalter dans les Villages Illusoires, lui qui les avait connus, comme ses naturels compagnons, dès l’âge où ses pieds le portèrent.

Un petit être surgit de ces années, poussé dru comme une plante sauvage en plein terreau, volontaire et tendre, hardi et frémissant, avec des désirs fous, des angoisses soudaines, des fièvres de lointain et d’impossible. Quelque chose de cette jeune âme fervente se devine en un charmant portrait où le garçonnet, dont les yeux semblent déjà fixer un rêve, tient de sa main droite son beau chapeau à plumes des dimanches. Déjà le tressaillement des lourds camions sur la route de Termonde et le bruit sourd des pas qu’on entendait l’hiver, de la maison aux volets clos, pendant qu’on récitait les prières du soir, l’hallucinaient étrangement. Il avait une amie, elle s’appelait Céline de Cock et mourut tout enfant: tendresse première… Pendant des semaines de convalescence, il se souvenait d’avoir longuement regardé les gravures, d’après Rubens et Otho Vœnius, d’un Ancien Testament, légué par un de ses oncles chanoine qui habitait Saint-Amand et possédait une riche bibliothèque. Et l’enfant repassait déjà dans les livres à images les annales de sa race, apprenant les hauts faits du bon peuple héroïque des Flandres aux heures rouges et tumultueuses de son passé. Un petit Flamand grandissait tout près du cœur de la « terre des pères », comme dit Ulenspiegel. Plus tard, au temps de l’adolescence, les cabarets et les kermesses, prétextes à batailles entre gars amoureux et de sang