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leurs vers à un de leurs camarades, leur aîné d’un an, — Edgar Patyn, plus tard écrivain flamand — qui s’instituait leur juge et critique. En ce milieu, Lacordaire, Chateaubriand et Lamartine étaient alors les dieux qui s’imposaient aux jeunes imaginations : Hugo demeurait encore, pour les Barbistes, marqué au front du signe des réprouvés et son nom, dans la bouche des plus hardis, avait une saveur de fruit défendu. Des élèves de seconde et de rhétorique avaient formé un club, l’ « Académie », qui, sous la tutelle des Pères, offrait des séances dominicales, au cours desquelles les jeunes humanistes présentaient des travaux de littérature ou d’histoire.

Qu’un enfant de sensibilité ardente et hanté de chimères n’ait pas souffert, peut-être même à son insu, entre les murs de cette noire jésuitière, cela n’est guère à présumer. En tous cas la discipline des Pères n’était pas toujours acceptée par lui sans sursauts de révolte, témoin le jour où, pour une injustice notoire et qui particulièrement l’exaspérait, ayant été mis au séquestre — cette cellule où l’on coffre les indisciplinés avec ordre de noircir des pages à l’infini — le doux collégien, pris d’un accès de fureur, ouvrit une fenêtre qui donnait sur le cabinet de chimie et s’armant des projectiles à sa portée, table, chaise, livres, encrier, les lança parmi les instruments de verre et fit un dégât effroyable. Pour cet exploit, il faillit être mis à la porte. Ses notes et ses succès scolaires plaidant en sa faveur, on le garda : le père n’eût qu’à payer la casse, une somme respectable.