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débutant. Un certain Dr Valentin avait trouvé cette formule jolie : « M. Verhaeren a percé comme un abcès. » Et ailleurs on accolait au nom du poète nouveau ce qualificatif ingénieux : « le Raphaël de la crotte. » La presse vigilante faisait son devoir, tous ses boueux à l’œuvre. D’autre part, dans les colonnes de l’Europe, où pour la première fois il avait publié Un Mâle, Lemonnier plaidait magnifiquement la cause de l’artiste conspué. Albert Giraud et Edmond Picard, tout en indiquant leurs réserves, saluaient également un tempérament.

On pourrait découvrir dans l’existence que menait alors Verhaeren certains aspects qui attesteraient combien proches l’un de l’autre étaient l’homme et le poète. Peu après son arrivée à Bruxelles, il s’était lié avec Théo van Rysselberghe et, un jour, les deux amis avaient décidé de vivre ensemble, en garçons. Et ce fut pendant des années une vraie vie de bohèmes et d’artistes, insouciante et folle. Si la bourse était vide souvent, la foi gonflait les poitrines ; les créanciers pouvaient venir, on savait les dépister. Deux autres peintres étaient de leurs intimes ; Dario de Regoyos — que nous retrouvons encore chaque année au Salon des Indépendants — et Willy Schlobach, dont les débuts aux XX avaient été très remarqués. Ô les bonnes années de camaraderie confiante et joyeuse ! L’été le quatuor se rendait à Knocke, que les baigneurs ignoraient encore, et s’installait à l’auberge du village tenue par Collete, dont la grande salle servait aux délibérations du conseil