Page:Beaumarchais - Œuvres choisies, édition 1913, tome 2.djvu/150

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 dans Mahomet ; le
régicide dans Machbet, &c. &c. La comédie, moins audacieuse, n’excède
pas les disconvenances, parce que ses tableaux sont tirés de nos mœurs,
ses sujets de la société. Mais comment frapper sur l’avarice, à moins de
mettre en scène un méprisable avare ? démasquer l’hypocrisie, sans
montrer, comme Orgon dans le Tartuffe, un abominable hypocrite,
épousant sa fille et convoitant sa femme ? un homme à bonnes fortunes,
sans le faire parcourir un cercle entier de femmes galantes ? un joueur
effréné, sans l’envelopper de fripons, s’il ne l’est pas déjà lui-même ?

Tous ces gens-là sont loin d’être vertueux : l’auteur ne les donne pas
pour tels ; il n’est le patron d’aucun d’eux ; il est le peintre de leurs
vices. Et parce que le lion est féroce, le loup vorace et glouton, le
renard rusé, cauteleux, la fable est-elle sans moralité ? Quand l’auteur
la dirige contre un sot que la louange enivre, il fait choir du bec du
corbeau le fromage dans la gueule du renard ; sa moralité est remplie :
s’il la tournait contre le bas flatteur, il finirait son apologue ainsi :
Le renard s’en saisit, le dévore ; mais le fromage était empoisonné. La
fable est une comédie légère, et toute comédie n’est qu’un long
apologue : leur différence est que dans la fable les animaux ont de
l’esprit ; et que dans notre comédie les hommes sont souvent des bêtes ;
et qui pis est, des bêtes méchantes.

Ainsi, lorsque Molière, qui fut si tourmenté par les sots, donne à
l'Avare un fils prodigue et vicieux, qui lui vole sa cassette, et
l’injurie en face ; est-ce des vertus ou des vices qu’il tire sa
moralité ? Que lui importent ses fantômes ? c’est vous qu’il entend
corriger. Il est vrai que les afficheurs et balayeurs littéraires de son
temps, ne manquèrent pas d’apprendre au bon public combien tout cela
était