Page:Beaumarchais - Œuvres choisies, édition 1913, tome 2.djvu/162

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 un tribunal d’iniquité n’écoute point les défenses de
l’accusé qu’il est chargé de perdre ; et ma Comtesse n’est point traduite
au parlement de la nation : c’est une commission qui la juge.

On a vu la légère esquisse de son aimable caractère dans la charmante
pièce d'Heureusement. Le goût naissant que la jeune femme éprouve pour
son petit cousin l’officier, n’y parut blâmable à personne, quoique la
tournure des scènes pût laisser à penser que la soirée eût fini d’autre
manière, si l’époux ne fût pas rentré ; comme dit l’auteur,
heureusement. Heureusement aussi l’on n’avait pas le projet de
calomnier cet auteur : chacun se livra de bonne foi à ce doux intérêt
qu’inspire une jeune femme honnête et sensible, qui réprime ses premiers
goûts : et notez que dans cette pièce l’époux ne paraît qu’un peu sot ;
dans la mienne, il est infidèle ; ma Comtesse a plus de mérite.

Aussi, dans l’ouvrage que je défends, le plus véritable intérêt se
porte-t-il sur la Comtesse : le reste est dans le même esprit.

Pourquoi Suzanne la camariste, spirituelle, adroite et rieuse,
a-t-elle aussi le droit de nous intéresser ? C’est qu’attaquée par un
séducteur puissant, avec plus d’avantage qu’il n’en faudrait pour
vaincre une fille de son état, elle n’hésite pas à confier les
intentions du Comte aux deux personnes les plus intéressées à bien
surveiller sa conduite, sa maîtresse et son fiancé ; c’est que dans tout
son rôle, presque le plus long de la pièce, il n’y a pas une phrase, un
mot qui ne respire la sagesse et l’attachement à ses devoirs : la seule
ruse qu’elle se permette est en faveur de sa maîtresse, à qui son
dévouement est cher, et dont tous les vœux sont honnêtes.

Pourquoi,