Page:Beaumarchais - Œuvres choisies, édition 1913, tome 2.djvu/170

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e, (et je n’en reprends sa défense que pour justifier
votre goût) lorsque vous verrez dans le monde un de ces hommes tranchans
critiquer vaguement la pièce, tout blâmer sans rien désigner, surtout la
trouver indécente ; examinez bien cet homme-là ; sachez son rang, son
état, son caractère ; et vous connaîtrez sur le champ le mot qui l’a
blessé dans l’ouvrage.

On sent bien que je ne parle pas de ces écumeurs littéraires, qui
vendent leurs bulletins ou leurs affiches à tant de liards le
paragraphe. Ceux-là, comme labbé Bazile, peuvent calomnier ; ils
médiraient, qu’on ne les croirait pas.

Je parle moins encore de ces libellistes honteux, qui n’ont trouvé
d’autre moyen de satisfaire leur rage, l’assassinat étant trop
dangereux, que de lancer du cintre de nos salles, des vers infames
contre l’auteur, pendant que l’on jouait sa pièce. Ils savent que je les
connais : si j’avais eu dessein de les nommer, ç’aurait été au ministère
public ; leur supplice est de l’avoir craint, il suffit à mon
ressentiment. Mais on n’imaginera jamais jusqu’où ils ont osé élever les
soupçons du public sur une aussi lâche épigramme ! semblables à ces vils
charlatans du Pont-neuf, qui, pour accréditer leurs drogues, farcissent
d’ordres, de cordons, le tableau qui leur sert d’enseigne.

Non, je cite nos importans, qui, blessés, on ne sait pourquoi, des
critiques semées dans l’ouvrage, se chargent d’en dire du mal, sans
cesser de venir aux noces.

C’est un plaisir assez piquant de les voir d’en bas au spectacle, dans
le très-plaisant embarras de n’oser montrer ni satisfaction ni colère ;
s’avançant sur le bord des loges, prêts à se moquer de l’auteur, et se
retirant aussitôt pour céler un peu de grimace ;