Page:Beaumarchais - Œuvres choisies, édition 1913, tome 2.djvu/296

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MARCELINE.

Ni vous ! et votre fils ? vous m’aviez juré…

BARTHOLO.

J’étais fou. Si pareils souvenirs engageaient, on serait tenu d’épouser
tout le monde.

BRID’OISON.

E-et si l’on y regardait de si près, per-ersonne n’épouserait personne.

BARTHOLO.

Des fautes si connues ! une jeunesse déplorable !

MARCELINE, s’échauffant par degrés.

Oui, déplorable, et plus qu’on ne croit ! je n’entends pas nier mes
fautes, ce jour les a trop bien prouvées ! mais qu’il est dur de les
expier après trente ans d’une vie modeste ! j’étais née, moi, pour être
sage, et je la suis devenue sitôt qu’on m’a permis d’user de ma raison.
Mais dans l’âge des illusions, de l’inexpérience et des besoins, où les
séducteurs nous assiégent, pendant que la misère nous poignarde, que
peut opposer une enfant à tant d’ennemis rassemblés ? Tel nous juge ici
sévèrement, qui, peut-être, en sa vie a perdu dix infortunées !

FIGARO.

Les plus coupables sont les moins généreux ! c’est la règle.

MARCELINE, vivement.

Hommes plus qu’ingrats, qui flétrissez par le mépris les jouets de vos
passions, vos victimes ! c’est vous qu’il faut punir des erreurs de notre
jeunesse ; vous et vos magistrats, si vains du droit de nous juger, et
qui nous laissent enlever, par leur coupable négligence, tout honnête
moyen de subsister. Est-il un seul état pour les malheureuses filles ?
Elles avaient un droit naturel à toute la parure