Page:Beaunier - La Poésie nouvelle, 1902.djvu/192

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et refléter leur mutuel bonheur
dans les miroirs de leurs yeux nus…


La douceur matinale se répand, en ondes tranquilles, sur toutes choses. Les lueurs livides de jadis, qui suscitaient les redoutables fantasmagories du cauchemar, se sont éclipsées ; le beau soleil est sur la plaine, les terreurs vaines sont en fuite, le ciel est pur. Il est difficile de dire le charme apaisant de cette éclaircie. On croit entendre encore, au loin, le grondement pathétique de l’orage ; la menace en est toute proche, et cette paix semble un répit momentané, plus précieux peut-être de s’épanouir ainsi dans le déchaînement des ouragans… Mais non ; l’atmosphère est sereine, fraîche et délicieuse. L’accalmie se prolonge. Une bonne sécurité vient à l’âme, inquiète naguère et qu’on eût dite alarmée définitivement. L’heure est suave et ineffable…

L’âme apaisée sent s’éveiller en elle une chanson douce, à l’approche de l’Attendue qui, par les blancs chemins des pensées tendres, viendra, compatissante et consolante, — la chanson des « Heures claires »[1], des heures sereines, des heures d’amour, la bonne chanson. Joie merveilleuse et parfaite extase, amour infini de la paix retrouvée !…


Voici la maison douce et son pignon léger,
et le jardin et le verger.
Voici le banc sous les pommiers
d’où s’effeuille le printemps blanc,
à pétales frôlants et lents.
Voici des vols de lumineux ramiers
planant, ainsi que des présages,
dans le ciel clair du paysage…

  1. Les Heures claires. Deman (Bruxelles), 1896.