Page:Beaunier - La Poésie nouvelle, 1902.djvu/203

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ses aspirations divines et ses bonnes velléités. La douceur, la clémence, l’amour, les délicieuses vertus pacifiantes lui sont un objet de plus calme méditation. Il entrevoit une manifestation possible de la force, exempte de brutalité, de frénésie, d’exubérance, mais tenace, entêtée à son œuvre nécessaire et féconde. L’action se révèle à lui dans toute sa noblesse, capable de beauté, sainte et grandiose. Une philosophie très pure inspire ces « élévations », sublimes parfois de détachement. Une énergique et clairvoyante résignation la domine, et l’abandon définitif de toute joie lui donne une sérénité triste :


La joie, hélas ! est au delà de l’âme humaine,
Les mains les plus hautes n’ont arraché que plumes
à cet oiseau qui vole en tourbillons d’écumes
avec son ombre seule à fleur de nos domaines !…


C’est encore une idée morale qui anime le drame du Cloître[1], si poignant et d’une telle force de tragique intérieur. Un grave cas de conscience s’y débat entre les moines, dans cette atmosphère d’exaltation spirituelle, de fanatisme idéologique… Un autre drame, Philippe II[2], simple et rigoureux, sans ornements, met en scène le conflit de deux caractères farouches, Philippe, l’hypocrite féroce de l’histoire, et Carlos, son fils, âme héroïque et maladive en qui alternent des lassitudes découragées et de superbes élans d’ambition… Le théâtre d’Émile Verhaeren est mêlé de prose et de vers ; la prose, qui apparaît dans les passages où le lyrisme s’interrompt, — harmonieuse, d’ailleurs, et bien rythmée, —

  1. Le Cloître. Deman (Bruxelles), 1900.
  2. Philippe II, tragédie en 3 actes, Société du Mercure de France, 1901.