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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

V

LES FUTAIES GRISES.


Trois ans avant ceci, à quelque distance du château d’Amboise, il se passait une scène dont le souvenir se lie étroitement à cette histoire.

Un peu en deçà du pont qui mène à ce colossal manoir dont la destinée fut de servir de prison jusque sous la république française, le regard du voyageur suivant les rivet de la Loire s’égarait à plaisir dans une large partie boisée qui longeait le fleuve et qu’on appelait les futaies grises.

Le voisinage sévère du château d’Amboise, qui était alors une prison d’État, rendait cette langue de terrain presque inhabitée.

Autour ce ces vastes murs, réfléchissant dans la Loire leurs clochetons aigus et noirâtres, tout se taisait, tout, excepté le bruit des barques sur l’eau ou celui du vent duos les oseraies. Les sentinelles éparses dans leurs logettes de pierre interrompaient seules ce silence en criant l’heure.

Le gouvernement de ce morne château d’Amboise et celui de la province elle-même appartenaient alors à M. le marquis d’Alluye[1]. Le comte de Lauzun se trouvait son prisonnier.

Prison plus douce à coup sûr que Pignerol, Amboise offrait au comte une apparence de liberté. Là, du moins, il pouvait sortir et se promener à cheval ; là, il n’était qu’exilé.

  1. Paul d’Esconbleau, marquis d’Alluye et de Sourdis, avait épousé, en 1667, Bénigne de Meaux du Fouilloux, fille d’honneur de la reine. C’était le fils aîné du marquis de Sourdis ; il était allé, en 1644, apprendre en Hollande le métier de la guerre.
    (Tallemant, t. IX, p. 228.)