Page:Bedier - La Chanson de Roland.djvu/18

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contre la tentation d’intervenir de leur personne pour corriger le manuscrit. Il m’eût été facile assurément — d’autres ont fait ce travail, je n’aurais eu qu’à les copier — d’allonger les vers trop courts du texte d’Oxford, de raccourcir les vers trop longs, d’imposer au scribe anglo-normand la stricte observance de ces règles de la déclinaison à deux cas que les grammairiens modernes ont su définir avec une parfaite rigueur, mais que très peu d’écrivains du XIIe siècle ont pleinement observées. Par crainte de récrire le poème soit en un langage hybride, composite, soit en un langage grammaticalement trop régulier pour avoir jamais été parlé ou écrit nulle part, je me suis abstenu, et cela faute de savoir avec toute la précision désirable à quelle phonétique, à quelle morphologie, à quelle syntaxe se conformait le poète, comment il déclinait, comment il conjuguait, comment il tournait ses phrases et construisait ses vers. Pour qu’on puisse se permettre de modifier le langage du scribe, il ne suffit pas d’avoir su déterminer huit ou dix des centaines de traits dont se composait