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a une bien grande différence entre la poésie correcte des classiques, et les mètres anglo-saxons dans lesquels les agréments de la périphrase et les synonymes jouent le rôle principal.


Le Poëme de Beowulf

De tous les monuments de la littérature anglo-saxonne qui sont parvenus jusqu’à nous le plus curieux est sans contredit le poëme épique de Beowulf. Après être resté longtemps plongé dans un injuste oubli il a enfin pris la place honorable à laquelle sa valeur réelle non moins que son ancienneté lui donnait droit. Beowulf peut être considéré non-seulement comme le plus ancien de tous les poèmes de chevalerie mais encore comme l’une des premières manifestations littéraires de l’Europe moderne ; à ce dernier titre surtout il a droit à notre intérêt. Sans doute quand on l’examine en détail on ne peut souvent s’empêcher de critiquer l’agencement de ses parties et le style ampoulé dans lequel il est écrit, mais ces défauts très réels ne sauraient faire oublier l’importance qu’a pour nous cette épave littéraire au double point de vue philologique et historique. Le tissu du poëme lui-même n’est pas à dédaigner et bien qu’on ait penché d’abord à le regarder comme entièrement fabuleux, on croit pouvoir maintenant y démêler un fonds de vérité historique[1].

  1. Quelques personnes croient que le poëme a été greffé sur un mythe météorologique. Beowulf représenterait alors le tonnerre, ses combats contre Grendel et le dragon seraient « le symbole des orages qui accompagnent le commencement et la fin de l’été » (Wollzogen). Dans tous les cas il est difficile de ne pas reconnaître que le poëme renferme un certain nombre de faits véritables, mal groupés peut-être et le plus souvent d’une chronologie fautive, mais dignes néanmoins d’être accueillis avec confiance. L’histoire des Scyldingas, des Geatas et des Scylfingas, dont l’origine se perd dans les brumes mythologiques, prend corps à mesure qu’elle entre dans la période historique et paraît se confondre avec celle des premières dynasties scandinaves.