Page:Bergson - L’Énergie spirituelle.djvu/125

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quelque chose, demande comment ta volonté s’y prend, à tout moment de la veille, pour obtenir instantanément et presque inconsciemment la concentration de tout ce que tu portes en toi sur le point qui t’intéresse. Mais adresse-toi alors à la psychologie de la veille. Elle a pour principale fonction de te répondre, car veiller et vouloir sont une seule et même chose. »

Voilà ce que dirait le moi des rêves. Et il nous raconterait beaucoup d’autres choses si nous le laissions faire. Mais il est temps de conclure. Où est la différence essentielle entre le rêve et la veille ? Nous nous résumerons en disant que les mêmes facultés s’exercent, soit qu’on veille soit qu’on rêve, mais qu’elles sont tendues dans un cas et relâchées dans l’autre. Le rêve est la vie mentale tout entière, moins l’effort de concentration. Nous percevons encore, nous nous souvenons encore, nous raisonnons encore : perceptions, souvenirs et raisonnements peuvent abonder chez le rêveur, car abondance, dans le domaine de l’esprit, ne signifie pas effort. Ce qui exige de l’effort, c’est la précision de l’ajustement. Pour qu’un aboiement de chien décroche dans notre mémoire, en passant, le souvenir d’un grondement d’assemblée, nous n’avons rien à faire. Mais pour qu’il y aille rejoindre, de préférence à tous les autres souvenirs, le souvenir d’un aboiement de chien, et pour qu’il puisse dès lors être interprété, c’est-à-dire effectivement perçu comme un aboiement, il faut un effort positif. Le rêveur n’a plus la force de le donner. Par là, et par là seulement, il se distingue de l’homme qui veille.

Telle est la différence. Elle s’exprime sous bien des formes. Je n’entrerai pas dans le détail ; je me bornerai à