Page:Bergson - L’Énergie spirituelle.djvu/147

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une idée fixe sont des faits positifs. Ils consistent dans la présence, et non plus dans l’absence, de quelque chose. Ils semblent introduire dans l’esprit certaines manières nouvelles de sentir et de penser. Pour les définir, il faut les considérer dans ce qu’ils sont et dans ce qu’ils apportent, au lieu de s’en tenir à ce qu’ils ne sont pas et à ce qu’ils enlèvent. Si la plupart des symptômes de l’aliénation mentale appartiennent à cette seconde catégorie, on en dirait autant de beaucoup d’anomalies et de singularités psychologiques. La fausse reconnaissance est du nombre. Comme nous le verrons plus loin, elle présente un aspect sui generis, qui n’est pas celui de la reconnaissance vraie.

Toutefois, le philosophe peut se demander si, dans le domaine de l’esprit, la maladie et la dégénérescence sont réellement capables de créer quelque chose, et si les caractères positifs en apparence, qui donnent ici au phénomène anormal un aspect de nouveauté, ne se réduiraient pas, quand on en approfondit la nature, à un vide intérieur, à un déficit du phénomène normal. On s’accorde à dire que la maladie est une diminution. Il est vrai que c’est là une manière vague de s’exprimer, et qu’il faudrait indiquer avec précision, dans des cas où rien de visible n’a disparu de la conscience, en quoi la conscience est diminuée. Nous avons esquissé autrefois une tentative de ce genre, comme nous le rappelions un peu plus haut. Nous disions qu’à côté de la diminution qui porte sur le nombre des états de conscience, il en est une autre qui intéresse leur solidité ou leur poids. Dans le premier cas, la maladie élimine purement et simplement certains états sans toucher aux autres. Dans le second, aucun état psychologique ne disparaît, mais tous sont atteints, tous per-