Page:Bergson - L’Énergie spirituelle.djvu/205

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de notre corps les mouvements successifs dont il propose le modèle. En d’autres termes, le schéma, représentation de plus en plus abstraite du mouvement à exécuter, devra se remplir de toutes les sensations motrices qui correspondent au mouvement s’exécutant. Il ne peut le faire qu’en évoquant une à une les représentations de ces sensations ou, pour parler comme Bastian, les « images kinesthésiques » des mouvements partiels, élémentaires, composant le mouvement total : ces souvenirs de sensations motrices, à mesure qu’ils se revivifient, se convertissent en sensations motrices réelles et par conséquent en mouvements exécutés. Mais encore faut-il que nous possédions ces images motrices. Ce qui revient à dire que, pour contracter l’habitude d’un mouvement complexe Comme celui de la valse, il faut avoir déjà l’habitude des mouvements élémentaires en lesquels la valse se décompose. De fait, il est aisé de voir que les mouvements auxquels nous procédons d’ordinaire pour marcher, pour nous soulever sur la pointe des pieds, pour pivoter sur nous-mêmes, sont ceux que nous utilisons pour apprendre à valser. Mais nous ne les utilisons pas tels quels. Il faut les modifier plus ou moins, infléchir chacun d’eux dans la direction du mouvement général de la valse, surtout les combiner entre eux d’une manière nouvelle. Il y a donc, d’un côté, la représentation schématique du mouvement total et nouveau, de l’autre les images kinesthésiques de mouvements anciens, identiques ou analogues aux mouvements élémentaires en lesquels le mouvement total a été analysé. L’apprentissage de la valse consistera à obtenir de ces images kinesthésiques diverses, déjà anciennes, une nouvelle systématisation