Page:Bergson - L’Énergie spirituelle.djvu/21

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déclare conscient pourraient être prononcées inconsciemment. Toutefois, si la chose n’est pas impossible, vous m’avouerez qu’elle n’est guère probable. Entre vous et moi il y a une ressemblance extérieure évidente ; et de cette ressemblance extérieure vous concluez, par analogie, à une similitude interne. Le raisonnement par analogie ne donne jamais, je le veux bien, qu’une probabilité ; mais il y a une foule de cas où cette probabilité est assez haute pour équivaloir pratiquement à la certitude. Suivons donc le fil de l’analogie et cherchons jusqu’où la conscience s’étend, en quel point elle s’arrête.

On dit quelquefois : « La conscience est liée chez nous à un cerveau ; donc il faut attribuer la conscience aux êtres vivants qui ont un cerveau, et la refuser aux autres. » Mais vous apercevez tout de suite le vice de cette argumentation. En raisonnant de la même manière, on dirait aussi bien : « La digestion est liée chez nous à un estomac ; donc les êtres vivants qui ont un estomac digèrent, et les autres ne digèrent pas. » Or on se tromperait gravement, car il n’est pas nécessaire d’avoir un estomac, ni même d’avoir des organes, pour digérer : une amibe digère, quoiqu’elle ne soit qu’une masse protoplasmique à peine différenciée. Seulement, à mesure que le corps vivant se complique et se perfectionne, le travail se divise ; aux fonctions diverses sont affectés des organes différents ; et la faculté de digérer se localise dans l’estomac et plus généralement dans un appareil digestif qui s’en acquitte mieux, n’ayant que cela à faire. De même, la conscience est incontestablement liée au cerveau chez l’homme : mais il ne suit pas de là qu’un cerveau soit indispensable à la conscience. Plus on descend dans la