Page:Bergson - L’Énergie spirituelle.djvu/227

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souvenir déterminé qui sera évoqué par un état déterminé du corps, ce sont au contraire bien des souvenirs différents qui seront également possibles, et entre lesquels la conscience aura le choix. Ils ne seront soumis qu’à une seule condition commune, celle d’entrer dans le même cadre moteur : en cela consistera leur « ressemblance », terme vague dans les théories courantes de l’association, et qui acquiert un sens précis quand on le définit par l’identité des articulations motrices. Mais nous n’insisterons pas sur ce point, qui a fait l’objet d’un travail antérieur. Qu’il nous suffise de dire que, dans l’hypothèse idéaliste, les objets perçus coïncident avec la représentation complète et complètement agissante, les objets remémorés avec la même représentation incomplète et incomplètement agissante, et que ni dans un cas ni dans l’autre l’état cérébral n’équivaut à la représentation, puisqu’il en fait partie. — Passons maintenant au réalisme, et voyons si la thèse du parallélisme psychophysiologique y va devenir plus claire.

Voici encore les objets qui peuplent le champ de ma vision ; voici mon cerveau au milieu d’eux ; voici enfin, dans mes centres sensoriels, des déplacements de molécules et d’atomes occasionnés par l’action des objets extérieurs. Du point de vue idéaliste, je n’avais pas le droit d’attribuer à ces mouvements internes la mystérieuse puissance de se doubler de la représentation des choses extérieures, car ils tenaient tout entiers dans ce qui en était représenté, et puisque, par hypothèse, on se les représentait comme des mouvements de certains atomes du cerveau, ils étaient mouvements d’atomes du cerveau et rien autre chose. Mais l’essence du réalisme est de supposer