Page:Bergson - L’Énergie spirituelle.djvu/229

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plus elle réduit déjà chaque propriété de ce corps, et par conséquent son existence même, aux relations qu’il entretient avec le reste de la matière capable de l’influencer. À vrai dire, les termes qui s’influencent réciproquement — de quelque nom qu’on les appelle, atomes, points matériels, centres de forces, etc. — ne sont à ses yeux que des termes provisoires ; c’est l’influence réciproque ou interaction qui est pour elle la réalité définitive.

Or, vous avez commencé par vous donner un cerveau que des objets extérieurs à lui modifient, dites-vous, de manière à susciter des représentations. Puis vous avez fait table rase de ces objets extérieurs au cerveau et vous avez attribué à la modification cérébrale le pouvoir de dessiner, à elle seule, la représentation des objets. Mais, en retirant les objets qui l’encadrent, vous retirez aussi, bon gré mal gré, l’état cérébral qui leur emprunte ses propriétés et sa réalité. Vous ne le conservez que parce que vous passez subrepticement au système de notation idéaliste, où l’on pose comme isolable en droit ce qui est isolé dans la représentation.

Tenez-vous-en à votre hypothèse. Les objets extérieurs et le cerveau étant en présence, la représentation se produit. Vous devez dire que cette représentation n’est pas fonction de l’état cérébral tout seul, mais de l’état cérébral et des objets qui le déterminent, cet état et ces objets formant maintenant ensemble un bloc indivisible. La thèse du parallélisme, qui consiste à détacher les états cérébraux et à supposer qu’ils pourraient créer, occasionner, ou tout au moins exprimer, à eux seuls, la représentation des objets, ne saurait donc encore une fois s’énoncer sans se détruire elle-même. En langage stricte-