Page:Bergson - L’Énergie spirituelle.djvu/54

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tage. Mais cette lueur nous dirigerait parmi les faits innombrables dont la psychologie et la pathologie disposent. Ces faits, à leur tour, corrigeant et complétant ce que l’expérience interne aurait eu de défectueux ou d’insuffisant, redresseraient la méthode d’observation intérieure. Ainsi, par des allées et venues entre deux centres d’observation, l’un au-dedans, l’autre au-dehors, nous obtiendrions une solution de plus en plus approchée du problème — jamais parfaite, comme prétendent trop souvent l’être les solutions du métaphysicien, mais toujours perfectible, comme celles du savant. Il est vrai que du dedans serait venue la première impulsion, à la vision intérieure nous aurions demandé le principal éclaircissement ; et c’est pourquoi le problème resterait ce qu’il doit être, un problème de philosophie. Mais le métaphysicien ne descend pas facilement des hauteurs où il aime à se tenir. Platon l’invitait à se tourner vers le monde des Idées. C’est là qu’il s’installe volontiers, fréquentant parmi les purs concepts, les amenant à des concessions réciproques, les conciliant tant bien que mal les uns avec les autres, s’exerçant dans ce milieu distingué à une diplomatie savante. Il hésite à entrer en contact avec les faits, quels qu’ils soient, à plus forte raison avec des faits tels que les maladies mentales : il craindrait de se salir les mains. Bref, la théorie que la science était en droit d’attendre ici de la philosophie — théorie souple, perfectible, calquée sur l’ensemble des faits connus — la philosophie n’a pas voulu ou n’a pas su la lui donner.

Alors, tout naturellement, le savant s’est dit : « Puisque la philosophie ne me demande pas, avec faits et raisons