Page:Bergson - L’Énergie spirituelle.djvu/68

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frontale gauche, une théorie de plus en plus compliquée de l’aphasie et de ses conditions cérébrales s’est édifiée laborieusement. Sur cette théorie nous aurions d’ailleurs beaucoup à dire. Des savants d’une compétence indiscutable la combattent aujourd’hui, en s’appuyant sur une observation plus attentive des lésions cérébrales qui accompagnent les maladies du langage. Nous-même, il y aura bientôt vingt ans de cela (si nous rappelons le fait, ce n’est pas pour en tirer vanité, c’est pour montrer que l’observation intérieure peut l’emporter sur des méthodes qu’on croit plus efficaces), nous avions soutenu que la doctrine alors considérée comme intangible aurait tout au moins besoin d’un remaniement. Mais peu importe ! Il y a un point sur lequel tout le monde s’accorde, c’est que les maladies de la mémoire des mots sont causées par des lésions du cerveau plus ou moins nettement localisables. Voyons donc comment ce résultat est interprété par la doctrine qui fait de la pensée une fonction du cerveau, et plus généralement par ceux qui croient à un parallélisme ou à une équivalence entre le travail du cerveau et celui de la pensée.

Rien de plus simple que leur explication. Les souvenirs sont là, accumulés dans le cerveau sous forme de modifications imprimées à un groupe d’éléments anatomiques : s’ils disparaissent de la mémoire, c’est que les éléments anatomiques où ils reposent sont altérés ou détruits. Nous parlions tout à l’heure de clichés, de phonogrammes : telles sont les comparaisons qu’on trouve dans toutes les explications cérébrales de la mémoire ; les impressions faites par des objets extérieurs subsisteraient dans le cerveau, comme sur la plaque sensibilisée ou sur le