Page:Bergson - L’Énergie spirituelle.djvu/80

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de la terra incognita des phénomènes psychiques m’a toujours paru en effet admirable. Mais plus que cette ingéniosité et plus que cette pénétration, plus que votre infatigable persévérance, j’admire le courage qu’il vous a fallu, dans les premières années surtout, pour lutter contre les préventions d’une bonne partie du public et pour braver la raillerie, qui fait peur aux plus vaillants. C’est pourquoi je suis fier, plus fier que je ne saurais le dire, d’avoir été élu président de la Société de Recherche psychique. J’ai lu quelque part l’histoire d’un sous-lieutenant que les hasards de la bataille, la disparition de ses chefs tués ou blessés, avaient appelé à l’honneur de commander le régiment : toute sa vie il y pensa, toute sa vie il en parla, et du souvenir de ces quelques heures son existence entière restait imprégnée. Je suis ce sous-lieutenant, et toujours je me féliciterai de la chance inattendue qui m’aura mis, non pas pour quelques heures mais pour quelques mois, à la tête d’un régiment de braves.

Comment s’expliquent les préventions qu’on a eues contre les sciences psychiques, et que beaucoup conservent encore ? Certes, ce sont surtout des demi-savants qui condamnent, « au nom de la Science », des recherches telles que les vôtres : des physiciens, des chimistes, des physiologistes, des médecins font partie de votre Société, et nombreux sont devenus les hommes de science qui, sans figurer parmi vous, s’intéressent à vos études. Pourtant il arrive encore que de vrais savants, tout prêts à accueillir n’importe quel travail de laboratoire, si menu soit-il, écartent de parti pris ce que vous apportez et rejettent en bloc ce que vous avez fait. À quoi cela