Page:Bergson - Matière et mémoire.djvu/23

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l’action utile et pour se ressaisir comme pure énergie créatrice ? Bien des problèmes qui paraissent étrangers les uns aux autres, si l’on s’en tient à la lettre des termes où ces deux sciences les posent, apparaissent comme très voisins et capables de se résoudre les uns par les autres quand on en approfondit ainsi la signification intérieure. Nous n’aurions pas cru, au début de nos recherches, qu’il pût y avoir une connexion quelconque entre l’analyse du souvenir et les questions qui s’agitent entre réalistes et idéalistes, ou entre mécanistes et dynamistes, au sujet de l’existence ou de l’essence de la matière. Pourtant cette connexion est réelle ; elle est même intime ; et, si l’on en tient compte, un problème métaphysique capital se trouve transporté sur le terrain de l’observation, où il pourra être résolu progressivement, au lieu d’alimenter indéfiniment les disputes entre écoles dans le champ clos de la dialectique pure. La complication de certaines parties du présent ouvrage tient à l’inévitable enchevêtrement de problèmes qui se produit quand on prend la philosophie de ce biais. Mais à travers cette complication, qui tient à la complication même de la réalité, nous croyons qu’on se retrouvera sans peine si l’on ne lâche pas prise des deux principes qui nous ont servi à nous-même de fil conducteur dans nos recherches. Le premier est que l’analyse psychologique doit se repérer sans cesse sur le caractère utilitaire de nos fonctions mentales, essentiellement