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BERKELEY

ne sais pas de moyen meilleur ou plus facile que de prier chacun de porter tranquillement son attention sur ses propres pensées. Si, dans ce cas, le vide ou l’impossibilité de ces expressions vient à ressortir, il ne faut rien de plus pour opérer la conviction. C’est donc sur ceci que j’insiste : à savoir que les mots « existence absolue de choses non pensantes » ou sont dénués de sens, ou impliquent contradiction. C’est ce que je répète, et que je cherche à inculquer, et que je recommande instamment aux pensées attentives du lecteur.

25. Toutes nos idées, sensations, notions, ou les choses que nous percevons, à l’aide de quelques noms qu’on puisse les distinguer, sont visiblement inactives ; elles n’enferment nul pouvoir ou action. Ainsi une idée, un objet de pensée, ne peut produire ou amener un changement dans une autre idée. Pour s’édifier pleinement sur cette vérité, il ne faut rien de plus que la simple observation de nos idées. Car, puisque toutes et toutes leurs parties sans exception existent seulement dans l’esprit, il s’ensuit qu’il n’y a rien en elles que ce qui est perçu ; or quiconque examinera attentivement ses idées, qu’elles soient des sens ou de la réflexion, n’y apercevra ni pouvoir ni activité : il n’y a donc rien de tel en elles. Avec un peu d’attention, nous découvrirons que l’être même d’une idée implique en elle passivité et inertie, en sorte qu’il est impossible qu’une idée fasse quelque chose, ou, à strictement parler, soit la cause de quelque chose. Une idée ne peut non plus être la ressemblance ou le type d’un être actif ; c’est ce qui résulte de ce qu’on a dit (§ 8, ci-dessus). Il s’ensuit de là clairement que l’étendue, la figure et le mouvement ne peuvent être la cause de nos sensations. Lors donc que l’on dit qu’elles sont les effets de pouvoirs résultant de la configuration, du nombre, du mouvement et de la grandeur des corpuscules, on doit être certainement dans le faux.

26. Nous percevons une succession continuelle d’idées : les unes sont excitées à nouveau, d’autres sont changées ou disparaissent en entier. Il y a donc quelque cause de ces idées, de laquelle elles dépendent, qui les produit et qui les change. Suivant ce qui a été dit dans la section précédente, cette cause ne peut être aucune qualité, ou idée, ou combinaison d’idées. Il faut donc que ce soit une substance ; mais on a montré qu’il n’y a pas de substance corporelle, ou matérielle ; il reste