Page:Berlioz - À travers chants, 1862.djvu/46

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bémol de la quatrième. Il tient également de la gravité mélancolique du premier, et de la grâce touchante du second. Le thème proposé d’abord par les violoncelles et les altos unis, avec un simple accompagnement de contre-basses pizzicato, est suivi d’une phrase des instruments à vent, qui revient constamment la même, et dans le même ton, d’un bout à l’autre du morceau, quelles que soient les modifications subies successivement par le premier thème. Cette persistance de la même phrase à se représenter toujours dans sa simplicité si profondément triste, produit peu à peu sur l’âme de l’auditeur une impression qu’on ne saurait décrire, et qui est certainement la plus vive de cette nature que nous ayons éprouvée. Parmi les effets harmoniques les plus osés de cette élégie sublime nous citerons : 1º la tenue des flûtes et des clarinettes à l’aigu, sur la dominante mi bémol, pendant que les instruments à cordes s’agitent dans le grave en passant par l’accord de sixte ré bémol, fa, si bémol, dont la tenue supérieure ne fait point partie ; 2º la phrase incidente exécutée par une flûte, un hautbois et deux clarinettes, qui se meuvent en mouvement contraire, de manière à produire de temps en temps des dissonances de seconde non préparées entre le sol, note sensible, et le fa sixte majeure de la bémol. Ce troisième renversement de l’accord de septième de sensible est prohibé, tout comme la pédale haute que nous venons de citer, par la plupart des théoriciens, et n’en produit pas moins un effet délicieux. Il y a encore à la dernière rentrée du premier thème un canon à l’unisson à une mesure de distance, entre les violons et les flûtes, les clarinettes et les bassons, qui donnerait à la mélodie ainsi traitée un nouvel intérêt, s’il était possible d’entendre l’imitation des instruments à vent ; malheureusement l’orchestre entier joue fort dans le même moment et la rend presque insaisissable.

Le scherzo est une étrange composition dont les premières mesures, qui n’ont rien de terrible cependant, causent cette