Page:Berlioz - Mémoires, 1870.djvu/109

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inattendus ; de la musique n’exigeant de ses interprètes et de ses auditeurs ni grand talent ni grande attention. C’était un art aimable et galant, en pantalon collant, en bottes à revers, jamais emporté ni rêveur, mais joyeux et troubadour et chevalier français… de Paris.

On voulait autre chose il y a quelques années : quelque chose qui ne valait guère mieux. Maintenant on ne sait ce qu’on veut, ou plutôt on ne veut rien du tout.

Où diable le bon Dieu avait-il la tête quand il m’a fait naître en ce plaisant pays de France ?… Et pourtant je l’aime ce drôle de pays, dès que je parviens à oublier l’art et à ne plus songer à nos sottes agitations politiques. Comme on s’y amuse parfois ! Comme on y rit ! Quelle dépense d’idées on y fait ! (en paroles du moins.) Comme on y déchire l’univers et son maître avec de jolies dents bien blanches, avec de beaux ongles d’acier poli ! Comme l’esprit y pétille ! Comme on y danse sur la phrase ! Comme on y blague royalement et républicainement !… Cette dernière manière est la moins divertissante……………………………………………………………………….


XXVI


Première lecture du Faust de Gœthe. — J’écris ma symphonie fantastique — Inutile tentative d’exécution.


Je dois encore signaler comme un des incidents remarquables de ma vie, l’impression étrange et profonde que je reçus en lisant pour la première fois le Faust de Gœthe traduit en français par Gérard de Nerval. Le merveilleux livre me fascina de prime-abord ; je ne le quittai plus ; je le lisais sans cesse, à table, au théâtre, dans les rues, partout.

Cette traduction en prose contenait quelques fragments versifiés, chansons, hymnes, etc. Je cédai à la tentation de les mettre en musique ; et à peine au