Page:Berlioz - Mémoires, 1870.djvu/133

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


— Qui ? le calembour ?

— Non, Berlioz.

— Ohé ! Fleury, apportez-nous du punch... et du fameux ; ça vaudra mieux que les bêtises de cet autre qui veut faire le malin.

— Enfin, voilà notre section de musique au complet !

— Hé ! Monfort[1], voilà ton collègue !

— Hé, Berlioz ! voilà ton fort !

— C’est mon fort.

— C’est son fort.

— C’est notre fort.

— Embrassez-vous.

— Embrassons-nous.

— Ils ne s’embrasseront pas !

— Ils s’embrasseront !

— Ils ne s’embrasseront pas !

— Si !

— Non !

— Ah çà ! mais pendant qu’ils crient, tu manges tout le macaroni, toi ! aurais-tu la bonté de m’en laisser un peu ?

— Eh bien ! embrassons-le tous et que ça finisse !

— Non, que ça commence ! voilà le punch ! ne bois pas ton vin.

— Non, plus de vin.

— À bas le vin !

— Cassons les bouteilles ! gare, Fleury !

— Pinck, panck !

— Messieurs, ne cassez pas les verres au moins, il en faut pour le punch : je ne pense pas que vous vouliez le boire dans de petits verres.

— Ah, les petits verres ! fi donc !

— Pas mal, Fleury ! ce n’est pas maladroit ; sans ça tout y passait.

Fleury est le nom du factotum de la maison ; ce brave homme, si digne à tous égards de la confiance que lui accordent les directeurs de l’Académie, est en possession depuis longues années de servir à table les pensionnaires ; il a vu tant de scènes semblables à celle que je viens de décrire, qu’il n’y fait plus attention et garde en pareil cas un sérieux de glace, dont le contraste est vraiment plaisant. Quand je fus un peu revenu de l’étourdissement que devait me causer un tel accueil, je m’aperçus que le salon où je me trouvais offrait l’aspect le

  1. Compositeur lauréat de l’Institut qui m’avait précédé à Rome. L’Académie, n’ayant point décerné de premier prix en 1829, en donna deux en 1830. Monfort obtint ainsi le prix arriéré qui lui donnait droit à la pension pendant quatre ans.