Page:Berlioz - Mémoires, 1870.djvu/307

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Le timbalier est bon musicien, mais il n’a pas beaucoup d’agilité dans les poignets ; ses roulements ne sont pas assez serrés. D’ailleurs, ses timbales sont trop petites, elles ont peu de son, et il ne connaît qu’une seule espèce de baguettes d’un effet médiocre et tenant le milieu entre nos baguettes à tête de peau et celles à tête d’éponge. On est à cet égard, dans toute l’Allemagne, fort en arrière de la France. Sous le rapport même de l’exécution, et en exceptant Wiprecht, le chef des corps d’harmonie militaire de Berlin, qui joue des timbales comme un tonnerre, je n’ai pas trouvé un artiste qu’on puisse comparer, pour la précision, la rapidité du roulement et la finesse des nuances, à Poussard, l’excellent timbalier de l’Opéra. Faut-il vous parler des cymbales ? Oui, et pour vous dire seulement qu’une paire de cymbales intactes, c’est-à-dire qui ne sont ni fêlées ni écornées, qui sont entières enfin, est chose fort rare, et que je n’ai trouvée ni à Weimar, ni à Leipzig, ni à Dresde, ni à Hambourg, ni à Berlin. C’était toujours pour moi un sujet de très-grande colère, et il m’est arrivé de faire attendre l’orchestre une demi-heure et de ne vouloir pas commencer une répétition avant qu’on m’eût apporté deux cymbales bien neuves, bien frémissantes, bien turques comme je les voulais, pour montrer au maître de chapelle si j’avais tort de trouver ridicules et détestables les fragments de plats cassés qu’on me présenterait sous ce nom. En général, il faut reconnaître l’infériorité choquante où certaines parties de l’orchestre ont été maintenues en Allemagne jusqu’à présent. On ne semble pas se douter du parti qu’on en peut tirer et qu’on en tire effectivement ailleurs. Les instruments ne valent rien, et les exécutants sont loin d’en connaître toutes les ressources. Telles sont les timbales, les cymbales, la grosse caisse même ; tels sont encore le cor anglais, l’ophicléïde et la harpe. Mais ce défaut tient évidemment à la manière d’écrire des compositeurs, qui n’ayant jamais rien demandé d’important à ces instruments, sont cause que leurs successeurs, qui écrivent d’une autre façon, n’en peuvent presque rien obtenir.

Mais de combien les Allemands, en revanche, nous sont supérieurs pour les instruments de cuivre en général et les trompettes en particulier ! Nous n’en avons pas d’idée. Leurs clarinettes aussi valent mieux que les nôtres : il n’en est pas de même pour les hautbois ; il y a je crois, à cet égard, égalité de mérite entre les deux écoles ; quant aux flûtes, nous les surpassons ; on ne joue nulle part de la flûte comme à Paris. Leurs contre-basses sont plus fortes que les contre-basses françaises, leurs violoncelles, leurs altos et leurs violons ont de grandes qualités ; on ne saurait pourtant, sans injustice, les mettre au niveau de notre jeune école d’instruments à archet. Les violons, les altos et les violoncelles de l’orchestre du Conservatoire à Paris n’ont point de rivaux. J’ai prouvé surabondamment, ce me semble, la rareté des bonnes harpes en Allemagne ; celles de Berlin ne font point exception à la règle générale, et on aurait