Page:Berlioz - Mémoires, 1870.djvu/447

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naufragés. Pylade seul a deux costumes ; il revient au quatrième acte, le casque en tête...

— Il a un casque ! s’écrie Jullien en m’interrompant avec transport. Nous sommes sauvés ! Je vais écrire à Paris pour commander un casque doré, entouré d’une couronne de perles et surmonté d’un panache de plumes d’autruche, longues comme mon bras ; et nous aurons quarante représentations.»

J’ai oublié comment se termina cette mirobolante séance, mais je me souviendrais encore dans cent ans des yeux enflammés, des gestes étranges, de l’enthousiasme éperdu de Jullien, apprenant que Pylade a un casque, et de son idée sublime de faire venir ce casque de Paris, aucun ouvrier anglais n’étant capable, selon lui, d’en confectionner un assez éblouissant, et de son espoir d’obtenir quarante représentations splendides du chef-d’œuvre de Gluck, grâce à la couronne de perles, à la dorure et à la longueur des plumes du casque de Pylade.

Prodigious ! comme dit le bon Dominus Samson... pro-di-gious !...

Je n’ai pas besoin d’ajouter qu’Iphigénie ne fut même pas mise à l’étude. Jullien avait quitté Londres quelques jours après ce savant concile, laissant son théâtre aller à vau-l’eau. D’ailleurs les chanteurs et le maître de chant s’étaient prononcés, comme de raison, contre cette vieille partition, et le dieu ténor(Reeves) avait beaucoup ri quand on lui parla de chanter le rôle de Pylade.


LVIII


Mort de mon père. — Nouveau voyage à la Côte-Saint-André. — Excursion à Meylan. — Accès furieux d’isolement. — Encore la Stella del monte. — Je lui écris.


J’ai dit dans l’un des premiers chapitres de ces mémoires, en quel état je trouvai Paris à mon retour de Londres, après la Révolution de 1848.

Ce fut une triste impression ; mais une autre douleur plus intime, et incomparablement