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On voit que les noms peuvent se présenter sous deux aspects différents, selon qu’ils désignent un sexe plutôt que l’autre.

Les êtres animés se divisent en deux grandes classes : les êtres mâles et les êtres femelles.

Cette différence entre les mâles et les femelles s’appelle sexe[1] dans les êtres ; et genre dans les noms destinés à en rappeler l’idée.

Ainsi, de même qu’il y a deux sexes parmi les êtres animés, il doit y avoir deux genres parmi les noms : le genre masculin et le genre féminin.

Le genre masculin répond au sexe mâle ; le genre féminin au sexe femelle.

Nous pouvons donc établir cette règle générale, relativement aux noms d’êtres animés :

1o  Tout nom qui désigne un homme ou bien un mâle chez les animaux, est masculin : Alexandre, lion, tigre, etc.

2o  Tout nom désignant une femme ou bien une femelle chez les animaux, est féminin : Alexandrine, lionne, tigresse, etc.

Ainsi se détermine, d’une manière très naturelle ; le genre, dans les noms qui désignent les êtres animés. La nature, que nous avions prise pour guide, n’a donc point trompé notre confiance ; elle seule nous a dicté ces règles simples et les a sanctionnées.

C’est sans doute dans un moment de mauvaise humeur que Duclos a dit, dans son commentaire sur Port-Royal : « L’institution ou la distinction des genres est une chose purement arbitraire, qui n’est nullement fondée en raison, qui ne paraît pas avoir le moindre avantage, et qui a beaucoup d’inconvénients. »

Dans la grande classe des êtres animés, la nature a établi deux divisions, qui s’offrent à nos regards sous l’aspect le plus touchant. Dans toutes les parties de l’univers, on contemple sans cesse l’homme et la femme réunis sous le même toit, le lion et la lionne dans le même antre, le rossignol et sa compagne dans le même nid ; partout c’est une famille qu’une mère nourrit, qu’un père-protège. Cette admirable distinction d’êtres nourriciers et d’êtres protecteurs frappe vivement l’esprit de l’homme ; elle seule le guida quand il détermina la classe des êtres masculins et celle des êtres féminins. Il réunit dans la première tous ces êtres que la nature créa puissants et forts, afin qu’ils défendissent contre tout danger leur chère famille, et celle plus, chère encore qui la nourrit ; puis il rassembla dans la seconde tous ces êtres faibles et bons, de qui la faiblesse réclame une protection constante, et dont la bonté se charge de nourrir et d’élever des êtres chéris auxquels elles ont donné le jour.

La distinction des noms en deux genres, l’un masculin, l’autre féminin, conformément aux deux sexes, fut donc prise dans la nature ; et on aurait tort de croire, avec Duclos et d’autres grammairiens, qu’elle soit arbitraire et de pure fantaisie. Il eût été absurde de désigner tous les êtres animés, quoique de sexe différent, par le même nom sans distinction de sexe, parce que le langage n’aurait jamais été d’accord avec le fait, et parce

  1. Mot formé du latin secare qui signifie séparer, partager, couper en deux, parce que, par le sexe, l’espèce est coupée en deux portions, et comme en deux moitiés d’un tout. Chacune de ces portions, ou chacun de ces sexes fut appelé genre, du mot primitif gen, qui désigna toute idée de production, destination des sexes. — Peut-être que l’élève, en voyant d’un côté, âne, lion etc., et, de l’autre, ânesse, lionne, pour designer des animaux entre lesquels il n’aperçoit d’abord aucune différence, manifestera quelque étonnement de cette bizarrerie. S’il ne fait pas lui-même cette observation, il faudra la lui suggérer adroitement. Il ne sera pas difficile de lui faire comprendre que, par exemple, c’est l’ânesse qui donne le lait, dont elle nourrit l’ânon, qu’elle a porté dans son sein.

    L’élève ne sera pas embarrassé pour déduire de cette observation le signe propre à caractériser la femelle. Il le tirera soit de l’état de gestation, soit de l’allaitement, ou même de l’action de traire.

    On fera les mêmes observations pour la vache, la chèvre, la brebis, etc.

    Pour les oiseaux, le signe des femelles sera celui de l’œuf ou de l’incubation.