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Les fiers enlacements où les muscles s’embrasent,
Quand les bouches s’écrasent
Comme une grappe mûre aux charnelles saveurs.

Eros t’avait armé de sa force suprême,
Et de ce charme obscur, ignoré de toi-même,
Qui courba sous tes yeux, candide ravisseur,
Dans la magnificence horrible des crinières,
Les genoux des guerrières,
Devant ta volupté promise, et ta douceur.

Mais tu ne savais pas, puisque en toi rien ne souffre,
Que pour combler mon âme innombrable, ce gouffre
Noir de sanglots auxquels nulle voix ne répond,
Les plus belles amours et les plus insensées
Dont nous soyons blessées,
Etaient moins qu’une fleur jetée à l’Hellespont.

Et c’est pourquoi je vais mourir, ô mer profonde !
Entre les immortels qui désertent ce monde,
Ombre d’un culte éteint, l’Amour était resté :
Mais le cœur de Sapphô, rassasié de songe,
Renonce à ton mensonge,
Sanctuaire trahi que ses dieux ont quitté !

(L’Esprit qui passe.)


LE TOMBEAU


Quand ie m’endormirai sous la splendeur des astres,
Mes strophes flamboieront auprès de mon cercueil ;
Les torchères de fer de mon farouche orgueil
Jetteront dans le vent la pourpre des désastres ;

Et les ailes du Verbe, apaisant leur essor,
Grouperont leurs faisceaux en un vol de victoire,
Pendant que se tairont, autour de ma mémoire,
Les trompettes de bronze et les cymbales d’or.

Aux quatre angles du lit funéraire dressées,
Témoins en qui revit mon rêve surhumain,