Page:Bizet - Lettres à un ami, 1909.djvu/44

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il avait des préjugés. Ça manque d’air, et, dans l’orchestre, il faut de l’air. » J’ai pu me rendre compte une fois de tout le soin qu’il apportait dans le choix des combinaisons, dans la composition des colorations. J’ai raconté plus haut que nous étions un soir à travailler chez lui avec Guiraud, eux orchestrant leur cantate de l’exposition de 1867, moi copiant son hymne. Guiraud et moi, nous étions aux deux bouts de la table, Bizet, au milieu, le piano derrière lui. Un moment, il se leva, essaya quelques accords à plusieurs reprises en fredonnant, puis se tournant vers nous, nous questionna : « Quels instruments entendez-vous ? Je n’arrive pas à trouver ce que je voudrais. » Nous le lui dîmes, tous les deux, Guiraud un peu distraitement, sans interrompre sa besogne, moi curieux de savoir ce qu’il penserait de ce que j’indiquais. Il nous répondit : « Oui, c’est cela, sans doute, mais pas tout à fait, pourtant. » Et il continua de chercher. Un instant après il reprit : « Je tiens ! J’ai assez de douceur avec les cors ; avec deux bassons, je n’aurais pas assez de mordant,