Page:Bizet - Lettres à un ami, 1909.djvu/50

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

n’être apprécié que par de pures intelligences. Je ne fais pas grand cas de cette popularité à laquelle on sacrifie aujourd’hui honneur, génie et fortune[1]. »

C’était en 1860 qu’il s’exprimait de la sorte. Avait-il changé depuis ? Je m’en serais bien aperçu, car, soit dans nos conversations, soit dans ses lettres, il était avec moi d’une absolue franchise, et pourtant, je n’ai jamais remarqué chez lui la moindre trace de vanité. Il m’est arrivé plusieurs fois de lui entendre soutenir, sur quelque point d’esthétique musicale ou dramatique, une opinion tout à fait différente de celle qu’il avait quand nous nous étions vus l’année d’avant. Alors, je lui en faisais l’observation, et il me répondait, avec un ton de voix qui, à lui seul, dénotait l’absence complète de tout souci d’amour-propre et l’unique préoccupation de la découverte du vrai et de la réalisation du beau : « Oui, mais depuis j’ai réfléchi » . Et il m’exposait les raisons qui l’avaient amené à modifier ses idées.

  1. Symphonistes et Virtuoses, p. 261.