Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/17

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I.

Dans cette magique histoire de Napoléon et du peuple armé, la bourgeoisie semble s’effacer. Cependant, si on y regarde de près, on verra qu’en fait de commerce, d’industrie, de finances, Napoléon a continué l’œuvre de l’Assemblée Constituante. La tyrannie, cachée dans le principe du laissez faire, il l’a maintenue et favorisée. Le Code, il l’a fait sortir des vieilles coutumes, et des in-folio de Pothier. Il a consacré le principe de la division des propriétés. Il n’a rien fait pour remplacer la commandite du crédit individuel par celle du crédit de l’état. En un mot, il a fortifié tout ce qui sert de base aujourd’hui à la domination bourgeoise.

C’est ce qui l’a perdu.

Car, tandis que son système économique régularisait la domination bourgeoise, il s’essayait dans son système politique à refaire l’aristocratie. Contradiction étrange et funeste ! Que lui manquait-il donc, à cet homme, pour marcher solitairement et sans cortège ? Son génie l’avait doué d’une force immense ; l’ascendant personnel qu’il exerçait tenait du prodige. Ses victoires l’avaient entouré d’un prestige tel que n’en eurent jamais un semblable ni Charlemagne, ni Charles-Quint. Il avait fait de la France un soldat, et s’était fait le Dieu de ce soldat… Ne pouvait-il se passer de chambellans et de pages ?