Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/206

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sorte sacrée. C’était combiner, dans une juste mesure, la prudence et l’énergie. Conçue dans cet esprit, la protestation fut unanimement adoptée.

Mais fallait-il la revêtir des signatures de tous ceux qui y avaient concouru ? MM. Baude et Coste, l’un administrateur, l’autre rédacteur en chef du journal le Temps, représentèrent que l’influence des journaux tenait en partie au mystère dont les écrivains restaient enveloppés ; que la solennité d’une semblable résistance serait inévitablement atténuée par la désignation de quelques noms obscurs, et qu’il convenait de laisser toute son action à la puissance de l’inconnu. M. Thiers répondit qu’il valait mieux assurer à la protestation ce genre de faveur que mérite et obtient toujours le courage. Cet avis prévalut à cause de son apparente hardiesse. Au fond, partager la responsabilité de la résistance et l’étendre sur tant de têtes, c’était l’affaiblir.

Il faut dire, toutefois, que la plupart des signatures croyaient jouer leur vie, et quelques-uns coururent au-devant de la mort avec une véritable magnanimité. Une députation d’étudiants s’étant présentée, M. de Laborde n’hésita pas à les encourager à la révolte. Mais l’opinion de M. Thiers, de M. Mignet et de la plupart des électeurs influents, était qu’il fallait emprunter à la loi elle-même les moyens de la faire triompher. Parmi ces moyens se trouvait le refus de l’impôt. La chambre ayant été illégalement dissoute, en refusant l’impôt on ne faisait qu’en appeler à la Charte. Une nouvelle réunion, composée principalement d’électeurs, eut donc lieu au National. Il s’agissait d’organiser ce mode