Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/210

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Journal du Commerce, du Journal de Paris obtinrent du président du tribunal de première instance, M. Debelleyme, une ordonnance qui prescrivait aux imprimeurs de prêter leurs presses aux journaux non autorisés.

On a vu de quelle manière l’agitation produite à la surface de la société avait enfanté la protestation des journalistes. Cette protestation, en donnant une formule à la résistance légale, compromit quelques noms. Les existences menacées firent effort pour propager l’esprit de révolte, ce qui revenait à décentraliser le danger. Si bien que peu à peu les couches inférieures de la société furent ébranlées. Quelques pierres lancées contre la voiture de M. de Polignac dans la soirée du lundi, n’étaient qu’un prélude à de plus audacieuses entreprises. Voilà par quel enchaînement de petites mesures, par quelle filiation de nobles instincts, d’indécisions, de frayeurs, la résistance légale tendait à se transformer en une émeute, qui devait à son tour engendrer une révolution. Révolution étrange assurément ! Car elle fut amenée par la haute bourgeoisie qui la redoutait, et accomplie par le peuple qui s’y jeta, presque sans y songer !

Dans la nuit du 26 au 27, voici en quels termes un postillon apprenait à un de ses camarades, sur la route de Fontainebleau, la nouvelle des ordonnances : « Les Parisiens étaient joliment vexés hier soir. Plus de chambre, plus de journaux, plus de liberté de la presse. — Vrai ! répondit l’autre ? Eh bien tant mieux. Moi, pourvu que le pain soit à deux sous et le vin à quatre, je me moque du reste. » Sur une feuille où cette anecdote était