Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/216

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réjouir de tout ce bruit. Ils avaient dit souvent qu’il fallait faucher dans le champ les factions ; que Louis XVI s’était perdu par excès de bonté ; que le salut de la monarchie demandait des victimes, et 93 des expiations. Le spectacle qui se passait sous leurs yeux n’était donc pour leur fanatisme que l’indication de l’heure suprême fixée par la Providence. À quoi servirait cette grande secousse donnée à la société, sinon à faire sortir de la foule les têtes qu’il importait de couper ? Des mandats d’amener furent lancés contre les signataires de la protestation des journalistes, et l’ordre fut donné de saisir les presses des journaux en révolte.

Le Temps était celui de tous qui avait déployé le plus d’énergie. On devait s’y attendre à une invasion. Et, en effet, vers midi, un détachement de gendarmerie à cheval vint se ranger en bataille devant la porte. La maison menacée était située dans la rue Richelieu, une des plus passantes de Paris, et les presses qu’il s’agissait de saisir étaient établies au fond d’une vaste cour. On annonce l’arrivée du commissaire. Aussitôt, M. Baude fait fermer les portes de l’imprimerie et ouvrir à deux battants celle qui donnait sur la rue. Ouvriers, rédacteurs, employés de toute espèce se rangent sur deux files ; M. Baude se place au milieu, tête nue, et l’on attend dans un profond silence. Les passants s’arrêtaient émerveillés quelques-uns s’inclinaient avec respect ; les gendarmes étaient inquiets.

Le commissaire arrive. Forcé de passer au milieu de ces hommes impassibles et muets, il se trouble, pâlit, et parvenu jusqu’à M. Baude, lui fait connaî-