Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/243

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une grêle de balles, et de chaque fenêtre tombaient des fragments de bouteilles, des tuiles, des meubles. De faibles femmes portaient au haut de leurs maisons de lourds pavés, pour les précipiter ensuite sur la tête des soldats. Le nombre des hommes du peuple qui étaient descendus dans la rue un fusil à la main, n’était pas en realité bien considérable, mais le nombre de ceux qui prenaient au combat une part indirecte était immense. Au plus fort de la fusillade, on vit dans la rue Culture-Saint-Catherine, qui aboutit à la rue Saint-Antoine, plusieurs hommes en blouse glisser, suspendus à des cordes, le long des murs de la caserne des pompiers. C’étaient des combattants qui avaient été faits prisonniers, qu’on avait déposés dans la caserne, et que les pompiers renvoyaient de la sorte au combat. Plusieurs coups de canon furent tirés, mais cette situation extrême qui faisait d’une ville un champ de bataille, exaltait les courages et répandait dans l’air une ivresse contagieuse. Des portes s’ouvraient aux hommes du peuple pour les recevoir à l’instant du danger, et se refermaient subitement sur eux ; les blessés étaient recueillis avec empressement et soignés par des mains carressantes ; faire de la charpie ou broyer de la poudre était, dans chaque maison, l’occupation des femmes : mères, sœurs où épouses de ceux qui allaient mourir ! Le soleil ne fut jamais si brûlant : il ajoutait à cette fièvre des ames.

Les soldats qui occupaient la place de Grève et que devaient rejoindre les troupes venues de la Bastille, se défendaient, en les attendant, avec beau-